Retour sur le temps du projet, le temps de la biodiversité

D’autre part, ce qui est aussi méconnu ce sont les écosystèmes et leur fonctionnement complexe et pas toujours prévisible. Nous avons voulu rendre visible l’invisible à l’occasion de cette conférence organisée par le lab recherche environnement dans le cadre de la 5e édition du festival Building Beyond de Leonard dédiée au thème «Visible et invisible dans les villes et les territoires».

Le 21 juin, quatre témoignages emblématiques de ces enjeux nous ont permis de mieux connaître et comprendre ce qui se fait sur les chantiers et dans la recherche. Papa Samba Dramé, Directeur environnement design chez VINCI Construction, est chargé de la conception de mesures pour la protection de la biodiversité dans le cadre du projet High Speed 2 (HS2), une ligne à grande vitesse située entre Londres et Birmingham (Royaume-Uni). Ce projet, piloté par VINCI Construction et son partenaire anglais Balfour Beatty, vise à réaliser une infrastructure durable sur le plan environnemental en assurant un zéro perte nette en biodiversité, mais aussi une réduction de 50% de l’empreinte carbone par rapport au bilan initial. Le déploiement de ces mesures permettra de réaliser un projet conforme aux exigences environnementales (EMRs) et à quatre certifications environnementales (ISO 14001:2015 ; PAS 2080 pour le Carbone ; BREEAM et CEEQUAL).

Consulter la présentation de Papa Samba Dramé

De l’autre côté de la Manche, sur le Contournement Ouest de Strasbourg (COS), la séquence Eviter, Réduire, Compenser s’est révélée un véritable outil de la démonstration du « maintien dans un état de conservation favorable des espèces concernées (…) » par le projet. Selon Philippe Ravache, directeur du projet pour VINCI Construction et président du groupe de travail biodiversité de la Fédération Nationale des Travaux Publics, les moyens mobilisés en conception-construction, les méthodes de dimensionnement des compensations utilisées, les partenariats noués avec les acteurs du territoire et les résultats visés, ou déjà obtenus, jouent chacun un rôle important dans cette démonstration. Le suivi et l’adaptation des mesures compensatoires mises en œuvre restent un enjeu fort pour le concessionnaire, VINCI Autoroutes, qui s’inscrit dans la durée.

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Regarder la vidéo : les mesurer ERC dans le cadre du projet du Contournement Ouest de Strasbourg

Certaines de ces mesures participent à la sauvegarde du hamster d’Europe en Alsace, espèce qui fait l’objet des travaux de Caroline Habold, chercheuse à l’Institut Pluridisciplinaire Hubert-Curien du CNRS. Dans les espaces de grandes cultures, de nombreuses espèces sont actuellement en danger d’extinction. Une des causes principales est la modification des pratiques agricoles ces dernières décennies, avec en particulier la généralisation de la monoculture. Le hamster d’Europe illustre parfaitement cette problématique. Il s’agit d’une espèce emblématique de la plaine céréalière en Alsace, en voie d’extinction malgré les actions spécifiques menées depuis les années 2000. Nous avons démontré qu’un régime à base de maïs entraîne un échec de la reproduction (90% des mères cannibalisent leurs jeunes). La cause identifiée est une carence en vitamine B3. De plus, l’équipe de Caroline Habold a montré en conditions semi-naturelles que la monoculture de maïs, mais aussi de blé, entraîne une baisse de la reproduction et une augmentation de la mortalité des hamsters en raison d’une faible diversité alimentaire. Dans le cadre d’une thèse CIFRE financée par VINCI, l’équipe recherche des cultures à associer au blé et au maïs pour pallier aux carences de ces monocultures, afin d’améliorer l’état de conservation du hamster d’Europe et à travers lui, toute la biodiversité agricole. Ces pratiques culturales innovantes visent aussi à répondre aux enjeux techniques, climatiques et économiques actuels de l’agriculture en plaine d’Alsace.

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La sauvegarde du hamster d’Europe est un exemple de l’objectif au cœur de la séquence Éviter Réduire Compenser, politique introduite en France dès 1976 dans la loi sur la protection de la nature. Selon Hélène Barbé, ingénieur d’études à AgroParisTech, cette loi cristallise un ensemble d’enjeux autour de l’aménagement et de l’écologie. Bien qu’elle tente de concilier des intérêts parfois divergents, elle continue d’opposer différentes catégories d’acteurs et peine à les fédérer autour d’une vision partagée des territoires. Cet instrument d’action publique soulève donc plusieurs questions autour de la biodiversité, du visible et de l’invisible, du temps et de l’espace. Elle reflète in fine un rapport de force entre plusieurs visions de la société, mêlant à la fois technique, éthique et politique.

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