28 mai 2025

Efficacité énergétique et intelligence artificielle : une combinaison fructueuse

L’essor de l’intelligence artificielle redéfinit les usages et offre un potentiel prometteur pour la construction. Grâce à la collaboration entre les entreprises de VINCI Energies et les chercheurs du lab, des projets innovants voient le jour, mettant en lumière le potentiel de l'IA pour répondre aux enjeux environnementaux de demain.

Fruit d’une réflexion partagée entre, d’un côté, les collaborateurs de VINCI et, de l’autre, les chercheurs de l’École des Mines Paris-PSL, de l’École nationale des ponts et chaussées et d’AgroParisTech, notre programme de recherche poursuit plusieurs ambitions, dont celle de développer l’usage de l’intelligence artificielle pour répondre aux enjeux du bâti, de la mobilité et des infrastructures. En effet, les progrès fulgurants de l’IA en matière de capacités de calcul augurent des avancées majeures, propres à favoriser la décarbonation des bâtiments et des infrastructures, objectif fixé à l’horizon 2050.

« L’intelligence artificielle s’applique de multiples manières à nos métiers, à travers notamment la modélisation énergétique. C’est une activité clé quand on travaille à la conception ou la réalisation de bâtiments. Cela s’applique à deux grandes facettes de nos activités : les besoins en énergie (pour se chauffer, s’éclairer et climatiser) et le confort thermique », déclare Maxime Trocmé, Directeur déploiement R&D de VINCI et pilote du lab recherche environnement.

 

TwinOps : un jumeau numérique riche de très nombreuses données

TwinOps est un des premiers exemples de collaboration entre les collaborateurs de VINCI et les chercheurs. TwinOps est un programme et une offre du groupe VINCI et plus particulièrement de VINCI Facilities. Le projet est né en 2015 d’un codéveloppement avec Thales et Covivio pour évaluer l’intérêt du BIM GEM (Gestion Exploitation Maintenance). Il est devenu par la suite l’entité de développement, de recherche, de service et de déploiement des outils et méthodes BIM GEM.

TwinOps se présente sous la forme d’une plateforme SaaS (Software-as-a-Service) de création et de pilotage du jumeau numérique d’un bâtiment. Conçue pour maximiser la création de valeur du BIM depuis la phase de livraison jusqu’à la déconstruction, cette plateforme permet de démocratiser son usage sur le terrain et de faciliter le pilotage et le suivi du bâtiment pour le propriétaire, l’occupant et l’exploitant.

Chaque acteur y trouve les outils et informations nécessaires à ses activités. TwinOps propose notamment une GED (Gestion Électronique de Document) permettant de suivre les évolutions documentaires et fichiers 3D, un gestionnaire de référentiel CDE (Common Data Environnement) automatisé pilotant l’ensemble des données issues des maquettes ou des sources externes, un environnement de visualisation et de contextualisation 3D, ainsi qu’un ensemble de tableaux de bord d’analyse facilitant l’optimisation et la gestion (maintenance, confort, énergies, occupation, nettoyage, GER, réglementaire…).

« Nous avons commencé à travailler avec le lab il y a déjà plusieurs années. La raison est simple : nous avons accès à énormément de données. Il était donc évident pour nous de chercher à mettre en œuvre des outils basés sur l’intelligence artificielle permettant d’optimiser un certain nombre de problématiques. Celles-ci vont des émissions de COà l’optimisation du confort, en passant par la suggestion de travaux, la maintenance ou l’analyse de la consommation énergétique », déclare Mustapha Bismi, dirigeant de TwinOps.

C’est sur le thème de la performance énergétique que la collaboration avec le lab a débuté. « Depuis la parution du décret tertiaire en 2019, la performance énergétique est un thème majeur pour nous. L’enjeu est de savoir comment optimiser la consommation dans les bâtiments, aussi bien pour des raisons financières qu’environnementales. Il n’y a en effet pas de consommation d’énergie sans émission de gaz à effet de serre. La décarbonation des bâtiments est donc un enjeu central », complète Mustapha Bismi.

En matière de performance énergétique, les chercheurs du lab disposaient déjà d’algorithmes. Leur objectif était de valider certaines de leurs hypothèses, dans le but de réduire l’écart entre la théorie et la pratique. « Nous avons demandé à l’un de nos clients s’il était d’accord pour confier un jeu de données, un dictionnaire de données et des informations météo relatives à l’un de ses bâtiments à un chercheur du lab de l’École des Mines Paris-PSL, dont les travaux portaient sur cette problématique », note Mustapha Bismi.

Après un an de travail, le chercheur a livré ses conclusions. « Ce que ces travaux ont démontré, c’est qu’il est possible – grâce à une intelligence artificielle – de générer des optimisations énergétiques. En choisissant certains algorithmes, on arrive à obtenir des gains. L’une des seules difficultés rencontrées aujourd’hui est la diversité des modes de fonctionnement des bâtiments. Ce type d’approche favorisera peut-être la standardisation du fonctionnement des bâtiments pour permettre d’implémenter ces solutions de manière industrielle », conclut Mustapha Bismi.

 

 

Pleiades COMFIE : un logiciel de simulation thermique dynamique qui ne demande qu’à être boosté par l’IA

Des travaux relatifs à l’utilisation de l’intelligence artificielle en matière d’efficacité énergétique sont menés dans le cadre d’autres projets. C’est le cas notamment des travaux de recherche menés par Patrick Schalbart, ingénieur de recherche au centre Énergie, Environnement et Procédés de l’École des Mines Paris-PSL, qui rentrent dans le cadre du programme Recherche & Solutions. Ce programme vise à apporter des éléments de réponse aux problématiques opérationnelles ou stratégiques des entreprises de VINCI (lire l’encadré en fin d’article).

« Au sein de notre laboratoire, nous avons créé il y a plus de 30 ans un logiciel – Pleiades COMFIE – spécialisé dans la simulation thermique dynamique des bâtiments. Ce logiciel permet de lancer des centaines de milliers de simulations en faisant varier de manière automatique une quarantaine de paramètres. Ces derniers concernent notamment la longueur et la largeur du bâtiment, mais aussi les épaisseurs des isolants, les différents types de fenêtres, etc. Cela nous donne des besoins de chauffage qui varient entre zéro, pour des bâtiments extrêmement performants, et 250 ou 300 kWh par mètre carré et par an », précise Patrick Schalbart.

L’objectif de Patrick Schalbart est d’étudier comment l’IA peut booster le logiciel Pleiades COMFIE. Le premier enjeu est de simplifier l’utilisation de cette solution, en passant le moins de temps possible à renseigner le modèle de bâtiment. Le deuxième aspect est de concevoir un modèle de calcul beaucoup plus rapide. Pour cela, l’IA a été appliquée à des projets de rénovation.

« L’utilisation de l’intelligence artificielle (réseau de neurones) a permis d’atteindre une très bonne adéquation entre le métamodèle et les données issues de notre modèle physique de simulation thermique des bâtiments. Et grâce à une filiale du groupe VINCI, Qivy, nous avons pu travailler sur un cas concret de rénovation d’un bâtiment parisien » précise Patrick Schalbart.

Autre bénéfice apporté par l’utilisation de l’IA : pour une optimisation, le temps de calcul a été ramené à quelques minutes alors qu’il était de plusieurs jours auparavant. « L’utilisation de l’IA permet une plus grande simplicité pour l’utilisateur, car le temps d’étude est très largement raccourci. Quant au temps de calcul, il est divisé par 10 000. Pour répondre à des appels d’offres, c’est un gain de temps non négligeable », note le chercheur.

 

Deux thèses pour approfondir les résultats acquis à ce jour

« Ces résultats constituent un travail préparatoire à deux thèses actuellement en cours. Nous allons avoir trois ans supplémentaires de collaboration sur ces sujets », détaille l’ingénieur de recherche de l’École des Mines.

La première thèse s’intéresse à l’optimisation de l’utilisation des bâtiments. Elle va aborder les problématiques d’effacement des consommations de pointe d’électricité en optimisant les stratégies de gestion du chauffage (électrique ou pompe à chaleur). L’innovation va consister à prendre en compte les aspects “stochastiques”, c’est-à-dire aléatoires, tels que la météo ou le comportement des occupants.

Ces aspects ont une influence importante sur les consommations de chauffage, sur la production d’énergie renouvelable par le photovoltaïque, mais également sur les impacts environnementaux (par exemple les émissions de gaz à effet de serre), car le mix électrique (les centrales utilisées pour la production d’électricité) dépend de la météo (on utilise des centrales très polluantes pour couvrir la pointe en hiver). Or, la prise en compte de ces aspects stochastiques fait “exploser” la combinatoire, les temps de calcul étant multipliés par un facteur compris entre 100 et 1 000. Avec un modèle classique, il est impossible de réaliser ces optimisations en temps réel. Avec une bonne IA, c’est possible, mais il faut valider un modèle d’IA dynamique dans de nombreuses situations (météorologiques et d’occupation), ce qui va nécessiter des études poussées”, précise Patrick Schalbart.

Quant à la deuxième thèse, elle se concentrera sur l’optimisation de la rénovation des bâtiments. Elle va permettre de valider les modèles développés (comme cela a débuté dans les travaux préparatoires) en se confrontant à des cas d’études fournis par VINCI.

Il s’agit de s’assurer que le modèle développé soit robuste dans une diversité de cas d’étude incluant une diversité de typologies et de climats (en France). Nous avons commencé par des bâtiments résidentiels. L’étude de bâtiments tertiaires est envisagée dans la suite. Finalement, il faudra valider le processus d’optimisation avec l’IA en le comparant à une optimisation réalisée avec le modèle physique de Pleiades-COMFIE”, conclut Patrick Schalbart.

La synergie entre l’intelligence artificielle et la thématique de l’efficacité énergétique montre un potentiel immense pour relever les défis liés à la décarbonation des bâtiments. Les travaux de l’Ecole des Mines ont déjà permis des avancées notables dans l’optimisation énergétique, grâce à l’IA. L’exemple de TwinOps et des travaux de recherche menée par Patrick Schalbart sur la simulation thermique dynamique illustrent la capacité de l’IA à réduire les coûts énergétiques tout en améliorant la performance énergétique et environnementale des bâtiments. Malgré les limites actuelles, liées notamment à la faible standardisation du secteur, ces projets pionniers ouvrent la voie à une adoption plus large des technologies d’IA dans le domaine de la construction.

 

Focus sur le programme Recherche & Solutions

Le programme Recherche & Solutions a été lancé en 2019 pour que les travaux de recherche scientifique menés au sein du lab recherche environnement puissent apporter des éléments de réponse aux enjeux opérationnels et stratégiques du Groupe VINCI. Les projets y sont initiés sur proposition des collaborateurs, en lien avec les solutions environnementales développées par les filiales. Dix projets de recherche ont jusqu’ici intégré ce programme.

Pour aller plus loin
Chercheurs
Doctorant
Ecole des Mines Paris-PSL
CEEP
Doctorant
Ecole des Mines Paris-PSL
CEEP
Patrick Schalbart
Ingénieur de recherche
Ecole des Mines Paris-PSL
CES