L’ACV pour l’écoconception des projets urbains

Favoriser la co-construction et le dialogue entre les acteurs d’un projet de construction, optimiser les coûts liés à la performance environnementale mais surtout réduire l'impact environnemental du projet,... selon Bruno Peuportier l'usage de l'ACV dès la phase de conception présente de nombreux avantages et c'est tout l'objet de notre nouveau livre sur l'ACV adaptée aux projets urbains. Retour sur ce nouvel ouvrage à travers cette interview.

Le lab recherche environnement VINCI ParisTech est reconnu pour son expertise et ses travaux sur l’ACV. Vous êtes vous-mêmes spécialiste de l’analyse énergétique et environnementale des bâtiments et des quartiers. Que souhaitiez-vous partager à travers ce livre ?

Bruno Peuportier : Notre volonté a été de montrer comment l’ACV peut être utilisée pour écoconcevoir des bâtiments ou des projets urbains, en particulier lors de la phase amont. Le but est d’aller au de-là du minimum de performance imposé par la règlementation. En effet, se limiter à une approche règlementaire revient à se contenter de vérifier que le projet réponde aux performances minimales attendues. Or pour répondre aux enjeux climatiques, il faut atteindre un niveau zéro carbone, ce qui constitue un tout autre défi. Rectifier le projet par la suite s’avère en général moins efficace et plus onéreux. Améliorer le projet grâce à l’ACV dès la phase de conception permet une meilleure performance à moindre coût.

Avoir recours à l’ACV dès la phase amont des projets est d’autant plus utile qu’elle permet d’instaurer un dialogue avec le maitre d’ouvrage. L’analyse des performances dès la conception permet d’orienter le projet en fonction des enjeux environnementaux et de pouvoir fédérer les efforts du maitre d’ouvrage, de l’architecte, du bureau d’études et de l’entreprise de construction. Elle favorise la dynamique de co-construction.

Grâce au bilan on peut identifier les éléments les plus contributeurs aux impacts et donc les sujets à traiter en priorité pour améliorer la performance environnementale du projet.
La comparaison à des bâtiments de référence, comme proposés dans le livre, permet de situer la performance du projet étudié entre les meilleures pratiques et les impacts les plus élevés et d’évaluer les marges de progrès. On pourra alors comparer différents leviers d’actions : forme architecturale, choix techniques, méthodes de construction éventuellement…

 

Vous appelez à une évolution des pratiques ?

BP : Oui en quelque sorte. Pour moi ce livre est un point de départ pour continuer à échanger avec les professionnels, notamment avec les architectes urbanistes. Le lab organise d’ailleurs prochainement une nouvelle session du séminaire sur l’écoconception avec des architectes urbanistes et des enseignants pour aborder à la fois la pratique des outils dans le domaine professionnel et dans le domaine de l’enseignement. L’idée est de continuer à faire progresser les outils, les applications, et procéder à des itérations entre le développement de la méthode et les retours d’expérience sur le terrain.
C’est un changement de pratique pour de nombreux professionnels. Aujourd’hui la règlementation oblige à mener ces analyses et notre volonté est d’inciter à ne pas se suffire de l’ACV « simplifiée » règlementaire mais de plutôt en faire un levier pour chercher à améliorer encore les projets et atteindre de meilleures performances environnementales. Quelque part, on se prépare aux règlementations de demain, c’est le rôle de la recherche que de favoriser l’évolution des pratiques pour atteindre l’objectif zéro carbone. La règlementation est focalisée aujourd’hui sur le climat et il y a fort à parier que les exigences de performances environnementales vont s’accroitre également en termes de santé, de biodiversité et de ressources.

 

On compte pas moins de 20 contributeurs à ce livre, comment a-t-il été réalisé ?

BP : C’est un travail collectif qui synthétise en effet différents travaux.
A l’instar des recherches menées au sein du lab, nous avons eu une approche multidisciplinaire : même si les chercheurs de l’école de Mines ont beaucoup contribué sur les dimensions efficacité énergétique et ACV, l’école des Ponts ParisTech et AgroParisTech ont également contribué pour traiter les dimensions matériaux, mobilité et biodiversité.
Le livre aborde des sujets méthodologiques et des applications concrètes pour présenter comment l’outil a été utilisé dans différents cas d’études. Il présente aussi des références pour pouvoir évaluer la performance d’un projet et ensuite la comparer à une moyenne ou aux meilleures pratiques.

Les références sont issues de travaux menés avec l’Agence Internationale de l’Energie. Elles se basent sur plus de 20 000 calculs obtenus en faisant varier de nombreux paramètres à partir d’archétypes de bâtiments neufs ou existants : bâtiments scolaires, maisons individuelles, immeuble collectif (haussmannien, HLM, basse consommation), bureaux. Ces archétypes nous permettent d’avoir une idée des meilleures pratiques sur lesquelles il est possible de se baser pour évaluer les autres projets, mais aussi des pires performances. C’est là que peut s’ouvrir le dialogue avec le maitre d’ouvrage, en identifiant la performance actuelle et les possibilités d’amélioration.

 

A qui s’adresse ce livre ?

BP : Aux professionnels de la conception : architectes-urbanistes, bureaux d’étude, assistants à la maitrise d’ouvrage, aménageurs et entreprises de construction, mais aussi aux enseignants : toutes les personnes qui souhaitent mieux prendre en compte les enjeux environnementaux dans leur pratique professionnelle.
Le livre est vraiment fait pour mieux comprendre en quoi consiste l’ACV, quels sont les choix méthodologiques plus ou moins pertinents en fonction des objectifs de l’étude, quels sont les objectifs de performance que l’on peut se fixer pour différents types de bâtiments. Il permet de voir comment cette méthode a été utilisée dans les différentes études de cas et comment l’appliquer à l’échelle d’un bâtiment ou d’un projet urbain. La dernière partie permet d’approfondir certains points méthodologiques pour ceux qui souhaitent aller plus loin : les matériaux bio sourcés, l’ACV dynamique…

 

 

Obtenir un exemplaire : Le guide est disponible en librairies et au format e-book.

 

Cet ouvrage collectif reflète les travaux menés au sein du lab recherche environnement VINCI ParisTech par l’École des Mines de Paris, de l’École des Ponts ParisTech et d’AgroParisTech. Il est également basé sur les retours d’expérience de projets de bâtiments et d’infrastructures des entreprises de VINCI, mêlant ainsi dimensions scientifique et pratique.

 

 

 

 

Les auteurs

Ont contribué à l’ouvrage : Maxime Trocmé (VINCI), Maria Beraldi (VINCI), Tanguy Aurousseau (École des Mines Paris), Mathilde Ceripa (École des Mines Paris), Tiffany Desbois (École des Ponts ParisTech), Paul Fayel (École des Mines Paris), Adélaïde Feraille (École des Ponts ParisTech), Angélique Ferry (École des Mines Paris), Cyrille François (École des Ponts ParisTech), Nathalie Frascaria (AgroParisTech), Arleta Grabowska (École des Mines Paris), Marie Kovalenko (École des Mines Paris), Baptiste Mendes (École des Ponts ParisTech), Alice Micolier (Octopus Lab), Bruno Peuportier (École des Mines Paris), Charlotte Roux (École des Mines Paris), Myriam Saadé (École des Ponts ParisTech), Patrick Schalbart (École des Mines Paris), Yann Souk (École des Ponts ParisTech), Léa Tannous (École des Mines Paris), Anatole Truong Nhu (École des Mines Paris), Aurore Wurtz (École des Mines Paris). 

Coordinateur : Bruno Peuportier, spécialiste de l’analyse énergétique et environnementale des bâtiments et des quartiers, directeur de recherche au Centre Énergétique Environnement et Procédés à Mines Paris-PSL et coordinateur du lab recherche environnement VINCI ParisTech. Il a développé les logiciels COMFIE (simulation thermique des bâtiments) et EQUER (analyse de cycle de vie), mené différents projets de démonstration concernant la construction ou la rénovation de logements sociaux, de bâtiments tertiaires ou scolaires, et supervisé plusieurs projets européens sur ces thématiques.

 


 

Table des matières

PARTIE 1 : Qu’est-ce que l’analyse de cycle de vie ?

1.1 Définition des objectifs et du champ de l’étude
1.2 Inventaire de cycle de vie
1.3 Évaluation des impacts
1.4 Interprétation des résultats
1.5 Fiabilité et limites de l’ACV
1.6 L’ACV parmi les outils de management environnemental

 

PARTIE 2 : Comment savoir si un projet est satisfaisant ?

2.1 Description de l’échantillon de bâtiments
2.2 Hypothèses communes pour l’analyse de cycle de vie
2.3 Résultats de l’ACV, impacts minimaux (classe A) et maximaux (classe G)

 

PARTIE 3 : L’ACV pour l’écoconception des bâtiments

3.1 Analyser les contributions aux impacts pour repérer les aspects à améliorer
3.2 Intérêt des matériaux biosourcés
3.3 Intérêt des énergies renouvelables
3.4 Impacts environnementaux des bâtiments de grande hauteur

 

PARTIE 4 : Trois exemples d’application de l’ACV à l’écoconception de projets urbains

4.1 ZAC Nozal Front Populaire à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
4.2 Usine Terrot à Dijon
4.3 Clinique Trarieux à Lyon

 

PARTIE 5 : Pour en savoir plus sur l’ACV

5.1 L’ACV dynamique
5.2 Évaluer les impacts sur la biodiversité
5.3 Évaluer les impacts sur la santé
5.4 Prendre en compte l’économie circulaire
5.5 L’ACV appliquée aux transports et aux mobilités
5.6 L’importance des données contextualisées en ACV

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